jeudi 6 juin 2013

Natalie Portman, d’un projet à un accomplissement

 



 

Nathalie Portman a marqué les esprits dans Closer et n’a pas fini de faire rêver. C’est  quoi «l’état de conscience» ? Dans la comédie Wedding Crashers (2005), l’acteurVince Vaughn donne sa définition à la femme qu’il convoite, Isla Fisher : «Que nous soyons ensemble. Que la séparation ne soit qu’illusion, que je sois un auprès de chacun – du Premier ministre d’Angleterre, de mon cousin Harry, toi et moi, le petit gros de la série télé What’s Happening, les jumelles Olsen, Natalie Portman… le mec qui a écrit Catcher in the Rye, Nat King Cole, Carrot Top, Jay-Z, Weird Al Yankovic, Harry Potter, en admettant qu’il ait existé, la pute au coin de la rue, ta mère. Nous formons un tout». Cette scène présente le gloubiboulga d’une culture américaine télévisuelle des années 80 à aujourd’hui, où le personnage interprété par Vince Vaughn mêle émissions d’enfants et réponses de jeux télés culturels aux intrusions de références respectables dans l’esprit d’un éternel ado de 35 ans. Et comme par hasard, la seule référence qui évolue et sur laquelle il semble prendre une pause en la citant, c’est Natalie Portman.
 


Depuis le film Closer (2004) de Mike Nichols, où l’actrice interprète le rôle sulfureux d’Alice, les fantasmes aussi inavouables que présentables accompagnent le public et même certains acteurs qui la citent. L’état de conscience des montagnes russes de ses désirs passe forcément par Natalie Portman. Est-ce l’acteur, le vrai Vince Vaughn, qui se fait plaisir avec ce clin d’œil ? Si Natalie Portman hante les fantasmes extra-conjuguaux de nombreux hommes, elle fait également partie comme dans cet «état de conscience» d’un élan shortbusien de fantasme intra-conjugal, où Vaughn imagine la dimension supplémentaire que prendrait son couple avec cette présence. Universalité et intimité se mêlent. Mais tant de choses sont vraies ou vraisemblables dans ce que reflète cette actrice si particulière.


 


S’il y a bien un symbole juif qui correspond à Natalie Portman, c’est le chandelier. Celui qui s’étend et autour duquel les branches asymétriques apportent à la fois un équilibre, de la réciprocité et un besoin de non-finitude. Et à chaque saison, des lumières projetées sur un écran surprennent les spectateurs. De Luc Besson (Léon) à Terrence Malick (Knight of Cups) en passant par Michael Mann (Heat), George Lucas (Star Wars) et Milos Forman (Goya’s Ghosts), cette actrice de 32 ans a traversé deux décennies dans ce métier. Des racines solides et des branches qui s’étendent lui permettent d’évoluer, de grandir. Fruit de dialectiques entre les sciences et les arts, la raison et la passion, le cinéma et les études, l’enthousiasme et la responsabilité, une image jeune et une âme ancienne, sans que ces différentes étoiles ne se fassent la guerre.



 

 
Natalie Portman, fille d’Avner et Shelley Hershlag, est née à Jérusalem en 1981. La famille du côté de son père a combattu en Pologne pour secourir des juifs, et certains d’entre eux réussirent à partir en Israël, où ils s’installèrent dans un kibboutz. Chirurgien à l’Hôpital Hadassah de Jérusalem, Avner emmène sa femme et sa fille à New York afin d’y poursuivre ses études. La petite Natalie bénéficie de cours de biologie, rares au primaire, accompagnant son père dans les salles d’opération et à ses conférences. Encore adolescente, elle écrira des articles pour des revues scientifiques. De son côté, Shelley lui fait prendre des cours de danse et de théâtre. Admirant le travail de Bob Fosse, Natalie rêve de devenir danseuse. Mais c’est un agent de la compagnie Revlon qui la remarque dans une pizzeria et la fait participer à une campagne publicitaire. Elle participe ensuite au spectacle musical Ruthless en compagnie d’une autre enfant qui deviendra son amie : Britney Spears.

 


Luc Besson engage Natalie pour le rôle de Mathilda dans Léon (1994). Un film qui évoque la relation fraternelle entre deux solitaires en quête de raison de vivre. Dans ses yeux, peu de bleu, peu de naïveté. Bien moins en tout cas que dans le film Heat de Michael Mann, reprenant cette couleur en hommage au Samouraï de Melville. Et quelle compagnie d’acteurs ! Robert de Niro, Al Pacino, Val Kilmer, John Voight, Henry Rollins… Natalie marqua ensuite les esprits dans Beautiful Girls (1996) avec l’emblématique acteur inclassable de la génération précédente : Matt Dillon. Les rôles souvent sérieux sont équilibrés par les promos hilarantes où elle provoque plus de rires que les animateurs David Letterman et Conan O’Brien.


 




Deux styles d’humour et d’évasion se présentent ensuite dans Mars Attacks (1996), la farce explosive de Tim Burton, puisEveryone Says I Love You (1996) d’un Woody Allen dont l’humour l’empêche d’être avalé par le canapé sur lequel il continue d’exprimer ses angoisses de film en film. Tourné en partie à Paris, il permet à Natalie Portman de voyager aux Pays-Bas où elle fait des recherches sur Anne Frank. George Lucas prolonge les voyages en la choisissant pour trois épisodes de la Guerre des Étoiles tournés entre 1997 et 2002.



Bien qu’appréciant le fait que la reine Amidala dirige une planète à 14 ans, elle est plus impressionnée par les sentiments d’une enfant de 13 ans partagés avec son journal intime dans un grenier. Elle continue donc en parallèle à s’instruire sur la Seconde Guerre mondiale et le rôle d’Anne Frank qu’elle souhaite interpréter sur scène. Au sujet de la Shoah, elle déclare : « Mon peuple s’est tellement battu, que cela m’a inculqué un sens des responsabilités». Le Journal d’Anne Frank, adapté par Wendy Kesselman, est présenté en 1997 au Music Box Theatre à New York. Natalie Portman écrira plusieurs textes sur cette expérience, dont un article publié par le magazine Time. Un Golden Globe viendra récompenser la confrontation mère- fille avec Susan Sarandon dans Anything But Here (1999).
  

À 17 ans, elle a déjà participé à six films et une pièce à Broadway. Cela, tout en poursuivant brillamment ses études et en apprenant le japonais et le français. Aucun scénario ne peut l’empêcher de flirter avec d’autres livres, aussi scolaires soient-ils. Elle obtient ensuite une licence en psychologie à Harvard. Retour aux sources, elle tournera dans Free Zone d’Amos Gitaï (2005), tout en étudiant à l’Université de Jérusalem. Mais ce sera Closer, le film de Mike Nichols, qui convaincra les derniers sceptiques de l’immensité de son talent. Mike Nichols, accusé en 1960 par le magazine Time d’obscénité lorsqu’il était humoriste, tout comme Mort Sahl et Lenny Bruce, brisa à l’écran les tabous autour de la sexualité et marquera grâce au film The Graduate (1967) l’accès d’une nouvelle génération, débarrassée de ses tabous lors de l’expérience de la Seconde Guerre mondiale et de son théâtre des horreurs. Et révélera au passage Dustin Hoffman. En 1970, il demandera à l’acteur qui l’a le plus marqué avant la guerre, Marcel Dalio, de participer à un film sur ces années de conflit : Catch-22. Au milieu de la folie ambiante, l’immense acteur de La Règle du jeu et La Grande illusion, livre un monologue à un Art Garfunkel perdu. Où ? Dans un bordel. En qualité de quoi ? De tenant de ce bordel, et de toutes les vérités observées en ces lieux où les généraux encouragent la fréquentation de leurs soldats pour panser les plaies du jour. Scène sublime, en une prise, où Mike Nichols accordera la seule standing ovation de sa vie sur un tournage, à Marcel Dalio.


 

 
Dans Closer, c’est à nouveau la sexualité, ses réalisations et frustrations, ses envies et les nôtres à un écran et 1001 nuisances de distance. Et pour dix ans bientôt, Natalie Portman et JudeLaw représenteront la beauté ultime de films internationaux en publicités tournées à Paris. L’actrice recevra un nouveau Golden Globes et sera nommée aux Oscars.En 2005, pas tout le monde, mais juste Paris, I Love You la ramène en France, où elle joue dans un des dix-huit portraits de la ville. Sa remarquable présence et la variété des rôles encouragent les réalisateurs à en développer de nouveaux avec elle, de Zach Braf (Garden State) à Wong Kar Wai (My Blueberry Nights). Milos Forman l’engage pour Goya’s Ghosts (2006) pour « sa ressemblance avec la femme peinte dans la « Laitière de Bordeaux » (1827).




 
Voyages dans l’espace et dans le temps s’arrêtent le temps d’une scène. Celle qui accueille les pointes de Natalie Portman dans Black Swan (2010) de Darren Aronofsky. Deux récompenses sculptées dans des matériaux différents. Tout d’abord l’Oscar tant mérité, puis l’enfant qu’elle aura avec le chorégraphe du film, BenjaminMillepied. Et finalement une troisième récompense, qui nous concerne cette fois-ci, sa venue en France où son compagnon est engagé à l’Opéra. À quelques pas des riverains de la Seine et avec tant d’images à se remémorer qui nous occupent le temps de perdre cette muse qui s’en va vers un autre projet, un autre accomplissement.
 

 
 
 
 
Source JewPop