lundi 25 janvier 2016

La France refuse les drones "Made in Israël + Thales"




L’armée française va commander 14 drones tactiques Patroller à Sagem, filiale de Safran. Un coup de théâtre, tant le Watchkeeper de Thales qui implique les israéliens a longtemps été donné ultra-favori. Les industriels israéliens qui dominent le secteur avec les américains sont très déçus. Thales était pour eux un partenaire idéal pour coopérer avec la France...



Un coup de théâtre. Après deux ans d’une compétition farouche entre deux champions français de la défense, c’est finalement le drone Patroller de Sagem (groupe Safran) qui a remporté l’appel d’offres pour le renouvellement des drones tactiques de l’armée de terre, face au Watchkeeper de Thales.
Le contrat, de 300 millions d’euros environ en intégrant la maintenance des appareils sur dix ans, prévoit la livraison à partir de 2018 de 14 drones : deux systèmes de cinq appareils chacun, et quatre drones pour l’entraînement et la formation.
Ces appareils remplaceront les vieux Sperwer de l’armée de terre, déjà fabriqués par Sagem.
Comment le Watchkeeper, grand favori de la compétition, a-t-il pu se faire coiffer ainsi au finish ? Le drone de Thales semblait pourtant avoir tous les atouts en main : basé sur une cellule israélienne (le Hermes 450), il est développé et assemblé par la filiale britannique de Thales, ce qui cadrait parfaitement avec les traités de coopération militaire de Lancaster House, signés en 2010 par la France et le Royaume-Uni.
Il était déjà en utilisation en Grande-Bretagne, qui l’avait déployé un temps en Afghanistan.
L’armée de terre ne jurait que par lui, voyant d’un mauvais œil le lancement d’un appel d’offres impliquant le Patroller.


Victoire sur le terrain

 
Le 22 octobre 2014, le chef d’état-major des armées lui-même, le général Pierre de Villiers, ne faisait pas mystère de sa préférence : “Je préconise le Watchkeeper, que j’ai vu à l’œuvre en Afghanistan, et qui est le fruit de la coopération menée dans le cadre des accords de Lancaster House”, assurait-il devant les sénateurs de la commission de défense.
Le Patroller de Sagem, drone basé sur le motoplaneur S-15 de l’allemand Stemme, a finalement renversé la vapeur. Plus que sur le prix, de même ordre chez les deux rivaux, la différence semble s’être faite sur le terrain. “Suite à 18 mois de tests, il y a eu un consensus entre la DGA et l’armée de terre sur le fait qu’il était largement supérieur, assure un proche du dossier.
La performance de la boule optronique, avec des images parfaites, a bluffé l’armée de terre.”
Le fait que le Patroller puisse voler au-dessus du territoire national a aussi été un critère déterminant : Sagem avait organisé une campagne d’essais fin 2014, une vingtaine de vols à proximité de Toulouse pour tester l’insertion du Patroller dans l’espace aérien civil.


Un drone en grande partie made in France

 
Le Patroller présentait un autre avantage : plus de 80% de sa valeur ajoutée est réalisée en France, contre 30% environ pour le Watchkeeper. Seule la cellule est allemande : la R&D est basée à Eragny, les boules optroniques sont conçues à Dijon, les caméras infrarouges à Poitiers, les cartes électroniques à Fougères (Ille-et-Villaine) et l’intégration finale et le segment sol à Montluçon (Allier). 300 emplois étaient ainsi, directement ou indirectement, liés au choix du Patroller. Toute la chaîne d’information est française, à l’inverse du Watchkeeper, équipé d’une boule optronique conçue par l’israélien Elbit Systems.
“Le made in France n’était pas un critère de choix, mais si l’emploi et les compétences sur le territoire national se développent, c’est une bonne chose”, explique-t-on au ministère de la défense.
Sagem pourra aussi s’appuyer sur la commande française pour ses campagnes export.
Le Sperwer avait été vendu à 6 pays, dont la France, les Pays-Bas et le Canada (150 drones en tout). L’industriel français espère exporter son successeur en Egypte et en Asie notamment, l’appareil pouvant être dédié à des missions militaires, gouvernementales (douanes, surveillance de frontières…) ou civiles.


La France a encore du retard

 
La filière française des drones rattrape-t-elle pour autant son retard sur le segment des drones militaires, ultra-dominé par les Etats-Unis et Israël ? On en est loin. Des années d’incurie partagée entre les industriels, les militaires et les politiques ont abouti à une dépendance des forces françaises envers les groupes étrangers.
Sur le segment des drones MALE (plus gros et dotés de performances supérieures aux drones tactiques type Patroller), l’armée de l’air utilise ainsi au Sahel trois drones Reaper achetés à l’américain General Atomics, la DGA ayant commandé deux autres systèmes de trois drones.
La France, l’Allemagne, l’Espagne et l’Italie ont bien lancé un projet de drone de surveillance européen rassemblant Dassault, Airbus Group et Finmeccanica, mais l’horizon du projet (passé de 2020 à 2025) est trop lointain pour être vraiment crédible.
L’Europe est heureusement bien plus avancée sur le programme de drone de combat Neuron, développé par Dassault, à la tête d’une équipe d’industriels (Airbus, Saab, Alenia, HAI, Ruag…).
Le prototype de ce drone furtif, dont la signature radar est celle d’un oiseau, est actuellement en phase d’essais en Suède. Il a tiré ses premières bombes d’essai en septembre, selon le blog le Mamouth.


Source Israel Valley