jeudi 20 juillet 2017

Jérusalem : les Lieux saints, comme des blessures de l’Histoire

 

Après l’attentat qui a coûté la vie à deux policiers israéliens sur le Mont du Temple, retour sur la symbolique tragique de ce lieu emblématique pour les musulmans et surtout pour les Juifs......Détails.........



C’est probablement l’un des lieux les plus sécurisés du monde. Des centaines de caméras de surveillance scrutent en permanence l’esplanade des Mosquées et ses abords, dans la vieille ville de Jérusalem.
Des dizaines de policiers y patrouillent jour et nuit. Depuis le ciel, des hélicoptères et même un dirigeable peuvent intervenir à tout moment pour traquer un suspect.
Pourtant, ce vendredi 14 juillet, trois hommes armés ont réussi à s’introduire par la porte des Lions, à proximité immédiate de l’Esplanade, et abattre deux policiers israéliens avant d’être tués à leur tour.
Alors que les attentats au couteau sont monnaie courante dans la Ville sainte, une attaque d’une telle violence reste rarissime.
Mais elle a suffi à raviver la crainte d’un embrasement aux conséquences incalculables. Une troisième guerre mondiale même, pour les plus alarmistes.
Depuis cent ans, chaque poussée de fièvre dans ce périmètre minuscule – la place de la Concorde tout au plus – panique les chancelleries et réveille les Cassandres.
Pourquoi une telle tension, une telle focalisation autour de ces lieux saints ?

Le mont Moriah

À l’origine, il y a le mont Moriah. Selon la tradition biblique, il se dresse au centre du monde. Là où Dieu créa l’homme. Là où Abraham se présenta pour sacrifier Isaac.
Là où Jacob vit en rêve des anges le long d’une échelle.
Au Xe siècle avant J.-C., le roi Salomon bâtit à cet endroit le premier Temple de Jérusalem. Le mont Moriah devient mont du Temple. Le sanctuaire occupe une place centrale dans la ritualité juive de l’Antiquité. Chaque jour, on vient y offrir des sacrifices pour implorer le pardon divin.
Trois fois par an, le peuple s’y retrouve pour célébrer les fêtes de pèlerinage : Pessah (sortie d’Égypte), Chavouot (don de la Torah), Souccot (fête des cabanes).
Un seul jour dans l’année, à Kippour (le grand pardon), le Grand Prêtre est autorisé à entrer dans le Saint des Saints, au terme d’un long et rigoureux processus de purification.
Selon la tradition, il entrait alors directement en communication avec le Créateur et le moindre écart moral, la moindre faute rituelle, pouvait lui valoir une mort foudroyante.
Le Temple de Jérusalem est détruit en 586 avant J.-C. par les armées du Babylonien Nabuchodonosor. C’est le premier exil du peuple juif. Grâce au décret du magnanime Cyrus, l’empereur perse, les juifs sont autorisés à revenir en terre d’Israël soixante-dix ans plus tard et à rebâtir leur Temple.
Le deuxième Temple de Jérusalem est érigé sur les ruines du premier. Il sera plus grand, plus majestueux – surtout depuis sa réfection par Hérode le Grand (à partir de 20 avant J.-C.) – mais aussi souillé par les luttes incessantes entre les sectes juives. Sa destruction par le Romain Titus en 70 apparaît aux rabbins comme la juste punition d’un peuple rongé par la « haine gratuite ».
Pour le peuple juif, la perte est immense.
Car il sera non seulement privé de son unique sanctuaire, mais aussi dispersé aux quatre coins du monde. Les Romains, puis les Byzantins dominent alors Jérusalem et abandonnent le mont du Temple à son triste sort. Ruines et détritus jonchent l’Esplanade dévastée. Au IVe siècle, les chrétiens érigent le Saint-Sépulcre à quelques pas de là.
Bannis de Jérusalem, les juifs ne sont autorisés à pleurer leur Temple que depuis le mont des Oliviers, le jour du 9 av. De nos jours, ce deuil est toujours célébré par les juifs pratiquants.
Ils jeûnent durant 24 heures et récitent les Lamentations assis à même le sol (Cette année, le 9 av a lieu le 1er août prochain.).

Partage du Proche-Orient

Le mont du Temple ne retrouve sa centralité qu’avec la conquête musulmane de 638. Omar, l’un des plus proches compagnons du Prophète, entre en triomphateur à Jérusalem.
Selon la tradition, il entreprend immédiatement de faire nettoyer l’Esplanade (une légende prétend même qu’il jeta des poignées de diamants sous les immondices pour inciter la populace à faire place nette).
D’après les chroniqueurs, Omar demande à un juif converti à l’islam, Kab al-Ahbar, de lui indiquer l’emplacement exact du Saint des Saints.
À cet endroit s’élèvera le dôme d’Omar, emblème de la Jérusalem d’aujourd’hui. La mosquée al-Aksa sera édifiée à l’est de l’Esplanade.
Même si Jérusalem n’est guère mentionnée dans le Coran, les exégèses situent ici l’ascendance de Mahomet pour son voyage nocturne.
Du VIIe au XXe siècle, hormis durant les brèves parenthèses des croisades, les musulmans (Arabes puis Turcs) vont régner en maîtres sur l’Esplanade. Les chrétiens vénèrent le Saint-Sépulcre.
Les juifs prient au Mur des lamentations, le dernier vestige du Temple de Jérusalem. En 1917, l’histoire bascule.
Vainqueurs de la Première Guerre mondiale, les Britanniques et les Français entreprennent de se partager le Proche-Orient (les fameux accords Sykes-Picot). Londres s’adjuge la Palestine et le général Allenby entre à Jérusalem le 11 décembre 1917.
Un mois auparavant, le gouvernement de Sa Majesté avait adressé à Lord Rothschild la déclaration Balfour, la première reconnaissance internationale du sionisme, autorisant les juifs à établir un « foyer juif » en Palestine.
Les Arabes la rejettent catégoriquement et s’affirment seuls souverains légitimes sur la Terre sainte en général et sur Jérusalem en particulier. C’est le début d’une guerre de cent ans.

L’épicentre du conflit

Dès lors, l’esplanade des Mosquées et le Mur des lamentations en contrebas vont devenir l’épicentre du conflit.
En 1929, les musulmans déclenchent des émeutes sanglantes dans tout le pays après que les juifs ont posé des chaises et un rideau de séparation devant le Mur pour célébrer Yom Kippour.
En juin 1948, les habitants juifs de la vieille ville sont expulsés par la légion jordanienne. L’accès au Mur des lamentations est dès lors strictement interdit aux juifs.
En juillet 1951, le souverain Hachémite Abdallah, jugé trop proche d’Israël, est assassiné par un islamiste palestinien alors qu’il pénètre sur l’Esplanade. Et à nouveau, en juin 1967, l’Esplanade change de main.
Au troisième jour de la guerre des Six-Jours, les parachutistes israéliens s’emparent de la vieille ville, presque sans combattre.
« Le mont du Temple est dans nos mains ! Le mont du Temple est dans nos mains ! » Cette phrase prononcée par un officier à la radio fait désormais partie du roman national israélien.
Moshé Dayan, le ministre de la Défense israélien, se méfie comme de la peste du messianisme et de ses compatriotes convaincus que cette reconquête quasi miraculeuse annonce la reconstruction du Temple de Jérusalem, presque 2 000 ans après sa destruction.
Il refuse au charismatique rabbin Goren l’installation d’une synagogue sur l’Esplanade et établit un statu quo toujours en vigueur aujourd’hui : aux musulmans l’esplanade des Mosquées, aux juifs le Mur des lamentations en contrebas.
Ces derniers sont autorisés à se rendre furtivement sur l’Esplanade mais toute prière reste prohibée.
Des agents du Wakf, l’organisme jordanien gardien du lieu, surveillent les mouvements des lèvres et dénoncent tout contrevenant à la police israélienne qui les expulse manu militari de l’Esplanade.
Depuis un demi-siècle, ce statu quo tient, envers et contre tout. Mais il n’a jamais semblé aussi fragile.
Emmenés par la frange la plus exaltée du sionisme religieux, un nombre croissant de juifs revendiquent un libre accès à l’Esplanade, le droit d’y prier sans contrainte et même – pour les plus audacieux – la reconstruction du Temple.
Les trois auteurs de l’attaque du 14 juillet venaient d’Oum-el-Fahm, une ville arabe de Galilée, bastion du cheikh Raëd Salah. Islamiste virulent, plusieurs fois emprisonné en Israël et interdit de séjour en Jordanie, Raël Salah préside le mouvement « Al-Aksa en danger ».
À longueur de tribunes et de prêches sur Internet, il met en garde les musulmans du monde entier contre les prétentions juives sur l’Esplanade.
Le gouvernement israélien répète régulièrement son souci de maintenir le statu quo et continue d’encadrer strictement les visites juives sur l’Esplanade. Mais au sein même de la coalition, les militants du troisième Temple gagnent en influence.
L’un d’eux est député – Yéhuda Glick – et plusieurs ministres nationalistes, religieux ou non, ne cachent pas leur sympathie pour ce mouvement. Comme il y a 4 000 ans, le mont Moriah se retrouve à nouveau au cœur de l’Histoire.
 

Source Reforme
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